Mélanie

bébé piggy

De mes trois enfants, j’ai sept descendants. Sept tous quasi aussi cons les uns que les autres. Il faut dire, je ne les ai pas choisis. A bien y réfléchir, la palme de conne revient quand même à Mélanie, ma petite-fille, issue de l’union de Philippe, mon fils et Pierrette la grue.

Mélanie, je me la suis coltinée dès sa naissance. J’étais pour la première fois grand-mère, j’ai été faible. Mélanie était livrée avec le mode d’emploi : le nombre et l’heure des biberons « Attention, hein, mémé Edmée, elle est passée à 220ml depuis jeudi. C’est le pédiatre qui l’a dit ! » , l’intensité du petit rot à lui faire faire après chaque repas, comment la coucher sur le côté sous sa petite couverture bleue parce que le bleu ça apaise, comment avant cela la bercer absolument avec « Doucement s’en va le jour » parce que « Doucement s’en va le jour » ça envoie sans sommation au pays des fées et j’en passe.

Je n’ai rien dit mais je l’ai posée sur le ventre quand elle piaillait trop en mettant à fond « Ma liberté » de Moustaki sur le tourne-disque , à trois mois je lui ai fait goûter sa première madeleine, trempée dans un soupçon de rhum parce que le rhum ça donne le teint cerise et je l’ai enveloppée dans mon châle rose parce que le rose, c’est joli pour les filles.

Maintenant que Mélanie est elle-même mère de Charlotte et qu’elle vit à Saint-Germain des Prés, les choses ont bien changé. Mélanie est une femme épanouie dans son travail : elle rentre tous les soirs à 20h30. « Tu sais, mémé, c’est pratique, je tire mon lait dans les toilettes puis je le mets dans le grand réfrigérateur réservé aux cadres de Networkbusiness, comme ça Charlotte ne manque de rien. Je veux le meilleur pour elle. D’ailleurs elle n’a pas été vaccinée. », me répétait-elle dès qu’elle daignait s’aventurer au-delà du périphérique. Aujourd’hui pour que Charlotte, quatre ans, vêtue exclusivement unisexe depuis ses premiers jours, soit aussi épanouie qu’elle, Mélanie l’a inscrite à différents ateliers après ses cours dans une école alternative dont un s’intitulant « Kant expliqué aux tout-petits » et une initiation au chinois parce que le chinois c’est l’avenir. « Je ne sais pas si tu réalises mémé, c’est important d’ouvrir Charlotte au monde ! », m’apostrophe-t-elle.

Si elle daigne me laisser Charlotte, il faut que je la fasse manger bio mais pas de la ferme voisine (elle peut toujours courir), que je lui lise uniquement du Claude Ponti et que surtout, si elle est confrontée à des « besoins secondaires d’assouvissement de désirs irraisonnés  » (des caprices), je me mette à sa hauteur trois pommes en lui déclamant avec sérieux et sérénité « Charlotte, j’entends que tu n’es pas contente car je ne veux pas t’acheter cette poupée barbie qui est le symbole de la femme occidentale asservie à la gente masculine et je comprends que tu aies le désir de te jeter par terre au milieu du supermarché. Toutefois, cela n’est pas socialement admis d’être étendue sur un carrelage froid devant Madame et Monsieur Quidam ; je te demande par conséquent de bien vouloir te relever, mes rotules sont en train de me lâcher. ». Il y va de la remise en cause de toute la parfaite éducation reçue par Charlotte de ses valeureux parents.

Je ne suis pas certaine que Mélanie comprenne mon ambition pour que Charlotte n’ait pas peur des oies quand nous passons par les petits chemins de traverse jusqu’à mon ancien jardin ouvrier et aime flâner avec Simon et moi dans la forêt, dans son ciré doré Dora secret, simplement pour sentir le vent frais contre ses joues et ce silence affectueux entre nous. Cette Mélanie, qu’est-ce qu’elle est con…

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