La lettre à Edmée #1

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Ma très chère Edmée,

 

Pardonnez le siège du téléphone l’autre après-midi, voyez-vous, j’étais en ligne avec Flavie Flamant – et en direct à la radio! Voyez-vous, elle faisait une émission sur les blogueuses sponsorisées. Je lui ai dit que nous-mêmes n’étions pas des vendues, mais ne crachions pas notre dentier sur l’une ou l’autre petites attentions qui améliorent l’ordinaire à l’occasion, bien sûr du moment que cela reste éthique. Je ne suis pas sûre qu’elle m’ait prise au sérieux – ni que les auditeurs aient vraiment marché dans l’argument éthique. Oh après tout, tant pis, c’est si bon d’être jalousées, ne trouvez-vous pas?

Alors vous me laissez pour les fêtes. Vous savez que je suis toujours heureuse d’accueillir Simon, quoique j’éternue du matin au soir quand il est là, si bien qu’il passe les trois premiers jours caché sous le canapé (je pense qu’il a peur du bruit que je fais en éternuant, il n’est pas impossible que cela ressemble à un aboiement d’Adolf le doberman deauvillois, et j’en ressors toujours décoiffée). Mais je suppose que d’ici le réveillon, il s’y sera habitué et qu’il sera heureux de partager mon bout de foie gras à la place de sa pâtée habituelle (celle que vous aviez  remportée au concours sur le blogue de Dédé1938 sent vraiment la mort, elle a beau être en tête du Wikio depuis longtemps (entre nous, je crois qu’elle est pistonnée), elle ne rafle que des sponsos qui craignent, comme dit Philippine, ma petite-fille).

Pour le concours, à propos, je pense qu’on devrait donner plus de chances à ceux qui partageront sur Facebook et Twitter (en nous mentionnant: @vieillesdumuppet ). Je demanderai à Jean-Arthur, le petit ami de Philippine, de me faire un fichier Excel pour que nous puissions faire le compte des chances supplémentaires parce que ma petite calculette n’y suffira pas je le crains.

Revenez -moi en pleine forme ma chère Edmée, nous entreprendrons l’ascension du Wikio à votre retour, pleine d’iode de la racine de vos cheveux shampouinés à la gentiane à vos ongles de pieds pédicurés chaque semaine – et ne venez pas encore glisser sur les planches mouillées par les embruns comme la dernière fois!

Vous me manquez déjà. Heureusement que Simon est près de moi (enfin, sous le canapé).

Votre dévouée Hortense

 

 

 

 

 

 

La lettre à Hortense #1

simon muppet

Ma très chère Hortense,

 J’ai bien essayé de composer, sur mon cadran, Odéon1426 mais la ligne était sans cesse occupée. J’espère que vous allez bien et que votre langue n’est pas trop râpée à force de discuter. Surtout ne me faites pas l’affront d’entretenir une relation amicale avec Espiègle du Tricot, je n’ai aucune confiance en elle et l’ai entendue raconter aux Efluentmummies que nous n’étions que deux vieilles en mal de notoriété. J’avais envie tout en lui tirant la langue de lui rétorquer « C’est çui qui l’dit qu’y est » comme me l’a appris Mélanie toute petite mais je ne me suis pas abaissée à ça.

Si je vous écris aujourd’hui, c’est pour vous faire part de mon départ prochain pour Deauville. En effet, Pierrette et Philippe m’ont conviée à passer les fêtes de fin d’année avec eux dans leur résidence secondaire, moche comme c’est pas permis ; vous voyez le genre, très « nouveaux riches ». D’accord Pierrette est tarte mais au moins, elle m’invite ; pas comme Claude (dont je n’ai pas eu de nouvelles depuis trois jours déjà !), ma fille indigne.

Durant mon absence, j’aimerais vous confier Simon – ne vous inquiétez pas, j’emporterai avec moi le cadre contenant sa photo et quelques croquettes en souvenir – le doberman de la maison de Deauville a déjà dévoré il y a quelques années de cela mon minuscule Titi (excusez-moi pour la tache, j’essuie une larme, la plaie est encore vive). Vous souvenez-vous, il avait ouvert la cage avec sa grosse patte munie de la fausse main du déguisement Capitaine Crochet de Pierre-Louis, mon filleul. Il n’était resté de mon Titi adoré que le fémur gauche et le cubitus droit. Simon est ce que j’ai de plus cher au monde, j’ai donc beaucoup hésité à accepter de m’alourdir de bûches glacées surgelées Picard pendant deux semaines, Pierrette ayant toujours été une piètre cuisinière en plus d’être une mauvaise mère, et ma décision enfin prise de quitter mon doux logis, j’ai souhaité ne prendre aucun risque pour Simon. Je sais qu’avec vous, Simon sera entre de bonnes mains. Vous lui offrirez un Mon chéri de ma part à Noël et continuerez à lui conter chaque jour un passage de « Justine ou les malheurs de la vertu », n’est-ce pas ?

J’aimerais également vous demander de surveiller les classements Wikio et particulièrement celui de Dédé1938. Dès mon retour, j’organiserai sur le blogue un concours pour rameuter un peu de monde et nous faire de la publicité. Vous verrez j’ai une nouvelle stratégie implacable. En revanche, je me demande quel est le terme actuel usité pour appâter la lectrice lambda. Concours ? Cadal ? Giveaway ? Kdo ? Ces jeunettes changent tous les mois pour rester dans le coup, c’est dur de suivre !

Hortense, mon amie, vous allez énormément me manquer avec Simon. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Alors deux, n’en parlons pas !

Prenez bien soin de vous.

Je vous embrasse dans un pétale de violette.

Votre bien Edmée

Mélanie

bébé piggy

De mes trois enfants, j’ai sept descendants. Sept tous quasi aussi cons les uns que les autres. Il faut dire, je ne les ai pas choisis. A bien y réfléchir, la palme de conne revient quand même à Mélanie, ma petite-fille, issue de l’union de Philippe, mon fils et Pierrette la grue.

Mélanie, je me la suis coltinée dès sa naissance. J’étais pour la première fois grand-mère, j’ai été faible. Mélanie était livrée avec le mode d’emploi : le nombre et l’heure des biberons « Attention, hein, mémé Edmée, elle est passée à 220ml depuis jeudi. C’est le pédiatre qui l’a dit ! » , l’intensité du petit rot à lui faire faire après chaque repas, comment la coucher sur le côté sous sa petite couverture bleue parce que le bleu ça apaise, comment avant cela la bercer absolument avec « Doucement s’en va le jour » parce que « Doucement s’en va le jour » ça envoie sans sommation au pays des fées et j’en passe.

Je n’ai rien dit mais je l’ai posée sur le ventre quand elle piaillait trop en mettant à fond « Ma liberté » de Moustaki sur le tourne-disque , à trois mois je lui ai fait goûter sa première madeleine, trempée dans un soupçon de rhum parce que le rhum ça donne le teint cerise et je l’ai enveloppée dans mon châle rose parce que le rose, c’est joli pour les filles.

Maintenant que Mélanie est elle-même mère de Charlotte et qu’elle vit à Saint-Germain des Prés, les choses ont bien changé. Mélanie est une femme épanouie dans son travail : elle rentre tous les soirs à 20h30. « Tu sais, mémé, c’est pratique, je tire mon lait dans les toilettes puis je le mets dans le grand réfrigérateur réservé aux cadres de Networkbusiness, comme ça Charlotte ne manque de rien. Je veux le meilleur pour elle. D’ailleurs elle n’a pas été vaccinée. », me répétait-elle dès qu’elle daignait s’aventurer au-delà du périphérique. Aujourd’hui pour que Charlotte, quatre ans, vêtue exclusivement unisexe depuis ses premiers jours, soit aussi épanouie qu’elle, Mélanie l’a inscrite à différents ateliers après ses cours dans une école alternative dont un s’intitulant « Kant expliqué aux tout-petits » et une initiation au chinois parce que le chinois c’est l’avenir. « Je ne sais pas si tu réalises mémé, c’est important d’ouvrir Charlotte au monde ! », m’apostrophe-t-elle.

Si elle daigne me laisser Charlotte, il faut que je la fasse manger bio mais pas de la ferme voisine (elle peut toujours courir), que je lui lise uniquement du Claude Ponti et que surtout, si elle est confrontée à des « besoins secondaires d’assouvissement de désirs irraisonnés  » (des caprices), je me mette à sa hauteur trois pommes en lui déclamant avec sérieux et sérénité « Charlotte, j’entends que tu n’es pas contente car je ne veux pas t’acheter cette poupée barbie qui est le symbole de la femme occidentale asservie à la gente masculine et je comprends que tu aies le désir de te jeter par terre au milieu du supermarché. Toutefois, cela n’est pas socialement admis d’être étendue sur un carrelage froid devant Madame et Monsieur Quidam ; je te demande par conséquent de bien vouloir te relever, mes rotules sont en train de me lâcher. ». Il y va de la remise en cause de toute la parfaite éducation reçue par Charlotte de ses valeureux parents.

Je ne suis pas certaine que Mélanie comprenne mon ambition pour que Charlotte n’ait pas peur des oies quand nous passons par les petits chemins de traverse jusqu’à mon ancien jardin ouvrier et aime flâner avec Simon et moi dans la forêt, dans son ciré doré Dora secret, simplement pour sentir le vent frais contre ses joues et ce silence affectueux entre nous. Cette Mélanie, qu’est-ce qu’elle est con…