Philémon et le tote bag

Peggy

Lorsque mon bon vieux Philémon fut sur le point de passer l’arme à gauche, lui qui avait toujours porté à droite et voté au centre, tombé au champ d’honneur ou plutôt dans les gradins du stade de football local à la suite d’un coup de coin assez mal placé, pour son coeur déja fragile du moins, je décidai de ne pas me laisser abattre comme la première biche venue le jour de l’ouverture de la chasse.

J’appelai Edmée, la gique d’entre nous. Elle s’enquit tout d’abord du score du match, puis de l’état dans lequel les secours avaient livré mon Philémon à l’hôpital – les pieds devant, mais encore vivant- et me dit:

C’est une aubaine! Il vit encore, organisez une Widow-to-Be party!

Edmée, ma amie adorée, ma soeur de coeur,  a toujours d’excellentes idées. C’est ainsi que nous conviâmes quelques amies à prendre le thé dans mon salon et que nous passâmes un délicieux moment. Les marques nous avaient gâtées, grâce à la popularité de notre blogue dans les les maisons de retraite du 11ème. Nous eûmes même droit à une démonstration de bonneterie et gaines Sitousécroul, pendant laquelle Andrée fit une danse endiablée vêtue du porte-jaretelles phare de la collection. Il faut dire qu’elle a gardé de très belles fesses grâce à un peu d’exercice physique (elle a été danseuse burlesque dans ses jeunes années), et très douces avec ça. Elle nous a confié les passer au gant de crin chaque matin avant de les enduire soigneusement de Nivéa et de les reluquer dans le miroir de sa salle de bains. Ce que nous avons ri!

Une fois la petite sauterie terminée, Philémon avait rendu son dernier soupir, mais je ne l’appris qu’après: trop occupée à contempler mes cadeaux (un abonnement de six mois à Notre Temps, un échantillon de chaussettes de contention couleur chair – je pourrais le porter avec l’autre échantillon reçu lors de notre escapade parisienne de l’année dernière, un tube de colle à dentier, trois sachets de thé Nuits Câlines, deux billets d’entrée pour le concert de Serge Lama (dimanche à 18 heures), une invitation au thé dansant de la mairie, trois petits pots de purée bio sans morceaux, quatre flacons de serum physiologique (j’ai les yeux secs), une élégante pochette de Tena,  deux ou trois flyers publicitaires pour  entreprises de pompes funèbres ainsi qu’une clé USB contenant tout le dossier de presse d’une jeune start-up proposant désormais des cercueils révolutionnaires en carton non polluant, et un sac en tissu imprimé qu’on appelle paraît-il tote bag aujourd’hui), je n’avais pas entendu le téléphone sonner.

Tote bag, le sac des morts en allemand, quel nom parfait pour emballer les quelques effets du défunt que je m’empressai d’aller récupérer à la morgue.

2 réflexions sur “Philémon et le tote bag

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