
Hier se tenait chez moi notre traditionnelle réunion hebdomadaire de bloguing. Pendant que les mères de famille se farcissent les allers-retours au solfège ou à la danse, Hortense et moi, qui envoyons promener Simon une petite heure dans le jardin en attendant, réfléchissons aux stratégies à mettre en place pour conquérir la blogosphère.
« L’heure est grave. », annonça ma chère Hortense, pourtant décontractée par le petit fond de Porto que je lui avais servi à 10h30 dans la tasse customisée qu’elle m’avait offerte.
« Philippine trouve que nous communiquons très mal. Très très mal. Par exemple, ma bien Edmée, votre précédent billet sur la défécation n’est pas assez universel m’a dit Philippine, et un tantinet graveleux. Nous savons toutes que vous avez raison dans le discours mais il s’agit de méthode. »
On aurait dit du Descartes (Philippine fait philo à la fac).
Hortense poursuivit « Si vous voulez augmenter vos statistiques et berner votre public, il ne faut pas se contenter d’un concours comme en font toutes les blogueuses a ajouté Philippine. Il faut commenter chez les grosses blogueuses, les nommer en leur léchant le derche dans vos articles pour qu’elles vous citent en retour. Il faut vous associer avec Dédé1938 exceptionnellement pour mettre en place un rendez-vous à thème régulier. Il faut vendre du rêve aussi. Vous avez au moins un compte Amstramgram ? Il faut absolument vous créer un compte Amstramgram. Vous êtes sur Twitter. Mais c’est révolu Twitter ! Complètement démodé ! Il faut de la tendance ! Des photos retouchées ! De l’intimité scénarisée ! Faites-les fantasmer vos lectrices ! Montrez-leur que votre vie est géniale, que vous êtes géniales ! Montrez-leur qu’elles méritent de vous aimer et qu’elles ont la chance de pouvoir s’évader de leur vie de merde grâce à votre vie arc-en-ciel !!! ».
J’étais douchée par la diatribe de ma consoeur qui sentait agréablement la rose et embaumait la véranda.
« Voilà, ma bien Edmée, en premier lieu, je crois qu’il nous faudrait en effet un compte Amstramgram. Avez-vous déjà quelques idées ? » a fini par conclure Hortense.
« Ahem, je pense qu’on pourrait tout d’abord mettre en ligne la recette du Purple Smoothie « pruneaux pour le transit, cassis pour la vision, betterave pour le teint ».
– Très bonne idée ! Très très bonne idée ! Ne pourriez-vous pas également mettre en scène Charlotte avec une couronne sur la tête et une baguette de fée dans le cul ? Ca plairait j’en suis sûre. Je me suis laissé dire que les déguisements pour enfant étaient toujours en vogue.
– Ca m’ennuie un peu d’instrumentaliser Charlotte. Mais si c’est fait dans un but noble, après tout, pourquoi pas.
– Mais non, ma bien Edmée, ce n’est pas de l’instrumentalisation, c’est de l’art au service des pauvres âmes.
– Ah, dans ce cas, effectivement… Merci de me le rappeler, ma chère Hortense. Est-ce que je cherche une couronne avec quelques diamants ?
– Absolument ! Mais écrivez surtout que vous l’avez achetée de seconde main. Mettez-vous à la portée du peuple.
– Il me semble que des selfies seraient également les bienvenus. En plus, j’adore ça, moi, me montrer sous toutes les coutures, pas vous ?
– Oh si ! On va bien s’amuser ! Je vous l’avais dit, ma bien Edmée, que Philippine s’y connaissait en blogs etc. ! En plus, après ses cours elle fait du porte à porte pour vendre des aspirateurs ; elle est très convaincante. Elle me dit « Tu sais mamie, quelquefois, ça me donne la nausée. Mais bon, je ne suis pas Sartre ! Alors je continue. ».
– Oui oui… Excusez-moi, Hortense, j’entends Simon gratter à la porte. C’est le signal de fin de réunion. Dites-moi, vous resterez bien déjeuner avec nous pour une fois, j’ai déniché de quoi faire tout un repas équitable pour aider les boliviennes. »